En cours d’écriture

Siegfriedstrasse

poèmes textiles

Tas nocturne #3, Emser Strasse, NK

Siegfried Strasse a été nominé pour la Bourse de création poétique
Gina Chenouard 2025
Société des Gens de Lettres

Merci au jury !

Tas diurne #5, Oderstrasse, NK

Tas diurne #5, Altenbrakerstrasse, NK

Tas diurne #9, Schillerpromenade, NK

#5

imagine un temps l’orage

un lieu ici

chaque îlot textil un abri

où logent lasses des songes creux et des faux discours

les nixes précaires, les nymphes galeuses et les willis aux chevilles bleues

déités des marais, des rivières et des récits apparus sur les berges des fleuves

imagine les maintenant

pleines de rage

décidées à libérer les plis encore vivants du monde

sous la croûte d’asphalte qui les écrasent

fais les sortir en bande de leur refuge

salopes sans soutien gorge

la pointe des seins qui fleurte

avec la pluie battante

une fourrure de tigre

100% chaleur acrylique

sur leur corps à peine habilléé

et déjà les voilà hilares

arpentant les rues de ta ville mal éclairées

se mirant dans les flaques de bière

peignant leur chevelure de leurs longs doigts palmés

ruisselements de glyphes, écailles de nageoires, luminescences de sens

transformant en eau de vie la fange poisseuse des caniveaux

écaillant de leurs yeux ronds la surface désséchée du monde

sortant couteaux et barres de fer

des poches multiples de leux manteaux

crèvant, éclatant, fracassant

les pneus des grosses SUV stationnées dans la rue

leur pare-brise, leur carrosserie

gesticulant à la lumière des réverbères

maudissant le bitume

sous la voûte immense de l’océan nocturne

traversé de barques obliques au scintillement éloigné

d’un geste rageur elles jettent un sort à Starlink le glitchent

tant pis pour sa beauté aussi éphémère qu’égoïste

s’infinitésimalent en selfies pour Pipilotti

crachent sur la déesse reconfigurée

Industria automobiliae electricae

chantent les pensées qui méandrent dans le vague

What was I made for

les pieds dans la rivière qui plonge sa source dans l’Antiquité

Tas nocture #3, paillettes et fausse fourrure, Emser Strasse, 8 septembre 24

Siegfriedstrasse #5

April der Ungewissheit

grün, heiss

ricochets de lumière

flimmerndes Abendlicht

plus haut

Oderstrasse

plus bas

die Frau auf dem Balkon

du bleu sur son visage

sur ses mains

unbeweglich

Al Jazeera

ici, là-bas, ailleurs, au loin

les distances fusionnent

les fils du temps se raccordent

des enfants jouent dans une cour sans nom

traversent une rue

sautent par dessus les décombres

et les villes en parpaings

sautent les bras tendus

vers un point

suspendu

le printemps

absolu

l’air mauve des lilas

les circonvolutions du chèvre-feuille

plus loin

lettres rouges sur un mur

lettres rouges sur un mur

free Gaza, free Congo, free Soudan

Palestina will never die

chutes, Abfall, menschliches Versagen

précipités d’existences

abandonnées à l’indifférence du trottoir

anonyme Müllhalde

ruines, fumée

et maintenant ?

et maintenant ? reprennent-elles

à bout de souffle, assises sur le trottoir à demi-descellé

les jambes repliées sous leur jupe aux ourlets humides

les pieds pataugeant dans une terre

engrossée de décombres

on se fout de la forme ! on ré-anime le langage !

prendre les mots un à un dans la bouche

desserer les mensonges qui les les les - enf - enfer- ferment

li- li- lire les songes lai- lai- lai-teux des plis du monde

ré-ré rêver réveiller les les les révéler les êtres en- en dor- endor -mi..es

leurs traces-songes lai- lai- lai-teuses répandues sur l’asphalte des des des-

chiffres, déchiffre - déchiffrager leurs phrases

se- se- se- tromper se- se- mé- se- se méprendre se- se- semer sans- sans com-prendre

s’éprendre

souffler

se- se- se- se- reprendre

se répandre

donner sans - donner sans - sans perdre son son sang

sens qui coule de la la la la langue

béééégayer s’il le faut bééégayer bégayyyyer béééé le le le le la la

la bé- béé- bé-béance

souffler sur la la la laitance qui entoure le le le la la la les

mots relâcher une à une les syl- sylla- syl-labes

ablettes de nuit signifiantes

et et et dé- dé- déblééééayer- débléééééayer ensemble des amas de sens

frayer les les la la la la la les les

lointains échos des chants à venir

qui se bégayent à eux-mêmes, sé-sé-sé s’égayent, sé-sé- s’égo-s’égo-gosillent

dans la nuit

elles tripent sur le fil

filles ténues du dire

et là quoite tapie sous les pavées la peur les rattrappe

la la la peur noire blanche rouge verte bleue

systémique

avec ses yeux raides de carpe morfonde

et son ophélique dormance

et les souvenirs remontent des nasses

tels des corps de femmes noyées

peur de mal faire

de se tromper

de faire mal

d’être désirs cousus de filles qui n’ont jamais eu à dire

veulent toujours jamais trop pas assez

peur d’être celles-là

là toujours oui depuis si longtemps

qui remontent à la surface

des bulles mortes dans les bouches

les yeux perdus dans le blanc

sans la vue, oui perdus

anguilles sous-jacentes qui driftent au loin

souples dans le courant

et ne pas pouvoir les voir

anguilles filles sans fil pour les retenir

qui filent

à jamais

vives

dans les désirs

tumultueux

du courant

et puis l’amour est là

cet oiseau incertain

qui caquète dans la cour du coeur

aux côtés de ses acolytes couineurs Justice et Égalité

et il va falloir la..es cajoler, la..es consoler

la..eur montrer qu’i..els existent encore

qu’i..els sont les seul..es à pouvoir encore dire la vérité

avec vous, leur disent-elles, avec

nous

abraserons

l’Impunité qui prétend régner

sur le..as mondes plurivers que nous habitons ensemble

nous le..a ferons à la lame de nos mots

vaciller

Tas nocture #4 (suite), paillettes et fausse fourrure, Emser Strasse

337ème jour de la guerre à Gaza